LES TEXTES

all texts © Matthieu Davette

-

Le début d'autre chose

C’'est comme un jour de la fin d'’août, un manège qui tente de s’'arrêter. Le début d’autre chose.
Tu étais l'’enfant. C’'est un peu flou. Ouaté. Ton enfance est comme la ouate. Moelleuse et exigeante.

Puis tu étais seul et libre. Tu te sentais infini. Tu ne pensais qu'’aux promesses. Tu manipulais les directions comme un jeu de hasard. Tu voulais sentir chaque geste et chaque instant, chaque hasard et chaque danger.

Puis tu étais le père. Tu as cessé de voir l'avenir dans un tunnel. Tu as observé le manège tourner avec l’enfant. Tu as pensé à son avenir et tu t’es allégé. ça t’a réveillé.

C'’est comme un jour un manège sans fin. Tu prends ton enfance sur tes épaules et tu la ranges au placard avec soin. Puis de temps en temps tu prends le temps, tu t'’assoies un soir au milieu de tes parents, et tu la goûtes, par intermittence, l'’enfance.

-

Le piston étoilé

Un train. Elle, lui, en face. Presque. Une vitre (dans un train). Des reflets (la nuit). Lui pas dormir. Sourire, même. Mais les yeux fermés et penser à elle. Elle regarder lui, peut-être. Lui savoir, pas lui vraiment mais son reflet car elle jamais regarder lui en face une seule fois de tout le voyage. Elle ignorer lui ouvertement. Et lui non, mais revenir au même, car flemme de lui parler - ou peur - donc histoire peu de chance évoluer. Sale histoire.

De celles qui peuvent changer votre existence, à en croire l'imagination, et pourtant rien ne se passe, alors on voudrait être capable de ne JAMAIS imaginer.

Parce qu'à la longue, devenir dingue. Finir le corps enterré sous douze mètres de béton armé.Et la tête? Dans un piston étoilé.

publié dans la revue Passage d'Encre, numéro Silence.Voix.

-

Ma génération

Ma génération trouve drôle Gad Elmalh et Stéphane Guillon. Elle vote à gauche en surveillant la cote de son appartement. Quand elle habite les quartiers populaires, elle met ses enfants dans le privé. Elle trouve cool de travailler dans la pub, mais ne sent pas vraiment à sa place et se rêve plutôt photographe, réal ou guitariste. Elle a fait les manifs du 1er mai histoire d'être moins seul ce jour-là, et de prendre en photo les types en noir et rouge de la CNT. Dans ma génération, les pères donnent le bain à leurs enfants et promènent des poussettes mal-rasés tennis aux pieds.

Ma génération « touche pas à mon pote mais on n'est pas tous potes ».
Ma génération s'enlise dans les contradictions mais elle n'est pas la seule.

On lui a dit « soit le meilleur mon enfant » en lui expliquant qu'on était tous égaux.

Regarde ma génération à quoi elle ressemble, chacun son style, surtout pas de cravate, de costume ni d'uniforme, mais un jean's, s'il vous plait, pour tous. Ma génération est celle des sans-papiers et des réfugiés afghans errant dans les jardins du canal st martin. Elle a connu Miterrand président et vu se déliter le Parti Socialiste, les petites annonces de Libé remplacées par Meetic. C'est ma génération qu'on appelle BOBO sans trop savoir si elle est de gauche. Elle est née avec les Blacks Panthers poings levés, mais elle, a les bras baissés.

Ma génération « touche pas à mon pote mais on n'est pas tous potes ».
Ma génération s'enlise dans les contradictions mais elle n'est pas la seule.

Ma génération ne rêve plus de changer le monde. Elle veut juste profiter. Elle est née avec My generation des Who, mais c'est Bob Marley et Kurt Cobain qu'elle a écouté. Qu'elle a écouté. Qu'elle a écouté.

-

Une vie en embuscade

Tu ne sais pas quelle pourrait être ta vie,
Le matin, tu prends le métro aérien
Pour aller au boulot, et le soir,
Tu manques de prendre la tangente
De ne pas revenir, de tout mettre au pilori

Tu rêves d'une une vie meilleure
Mais qu'est-ce que c'est une vie meilleure ?
Que tout désir soit exaucé
Pile quand il monte en toi

Mais aussitôt un autre monte en toi
Alors autant partir en altitude dormir,
La tête tournée vers le ciel
Avec un groupe d'étoiles en embuscade
Jouant à cache-cache avec ton sommeil

Tu rêves d'une vie meilleure
Mais qu'est-ce que c'est une vie meilleure ?
Que tout désir soit exaucé
Pile quand il monte en toi

Finalement tu redescends de la montagne
Décidé à écouter les étoiles, suivre ta voie
Tu quittes ce flot de gens nerveux
Déjà, tu te sens plus léger, sourire
Tu ne te demandes plus ce que pourrait être ta vie

Une nouvelle vie
Que tout désir soit exaucé

-

L'automne

Au départ, les lumières ont souri. La terre était violette d'avoir trop dansé. Puis j'ai tué le cochon. Ça n'a pas été facile, il était à l'envers.

Plus tard, mon fils s'est enfui. Il voulait voir. La nuit et ses nuages étaient étranges, violents, comme au premier jour. A croire qu'une éternité avait volé la lune. Je n'en croyais pas mes oreilles.

Ma femme est arrivée en courant. Elle criait des quantités de choses, petites et grosses, fortes et fragiles. Son tablier était taché, mais je n'y prêtais pas attention. Il me semble même n'avoir pas remarqué. Je savais bien que je n'avais pas une tête à m'appeler Paul. Heureusement, le vent amenait quelques notes en filigrane.

Elle apportait une mauvaise nouvelle. Je m'en doutais et ne voulais pas entendre. Elle insista. Alors il me fallut l'étrangler.

A l'arrivée, je n'avais pas gagné grand-chose. Enfin si ; j'avais tout perdu. Et je compris que trop de choses me touchaient. J'aimais ça, sans doute, mais je manquais de place. Je ne pouvais pas garder mes larmes.

publié dans la revue Passage d'Encre, numéro sur l'Aléatoire.

-

Paris

paris le bruit le bruit circuler demi-tour sur le boulevard couleur cafard rentrer maison pas de place sur le trottoir petit chez soi rentrer tard pas se voir paris

mais la conciergerie la place d'italie les filles qui déambulent les rues le matin le véhicule de la mairie café comptoir 2 croissants

le canal St Martin impasse popincourt et place pigalle l'odeur du neuf l'été les types qui te bousculent les rues sans voiture le dimanche

les couleurs entre rue de belleville et place sainte-marthe la nuit les gâteaux rebeu paris avancer sans penser la lumière des lampadaires